Monsieur le Président,
Par la présente, nous avons l’honneur de vous informer que, conformément à l’article 80 du Règlement de la Chambre des Députés, nous souhaiterions poser une question parlementaire à Monsieur le Ministre des Finances au sujet de l’arrêt C-682/15 de la Cour de justice de l’Union européenne.
Dans sa réponse à notre question parlementaire du 11 janvier 2017 lui soumise à la suite des conclusions de l’avocat général dans l’affaire précitée, Monsieur le Ministre n’a pas voulu commenter ces conclusions. Il s’est limité à mettre en exergue les efforts du gouvernement en matière de transparence fiscale, tout en n’accordant que très peu de crédit à la question des droits fondamentaux en jeu.
Cependant, le 4 novembre 2014, lors des débats ayant abouti à l’adoption du projet de loi n°6680, devenu la loi du 25 novembre 2014 prévoyant la procédure applicable à l’échange de renseignements sur demande en matière fiscale, notre groupe politique avait déjà mis en cause la légalité de l’absence de toute voie de recours contre l’injonction du directeur des contributions directes adressée, consécutivement à une demande d’échange de renseignements en provenance d’une autorité étrangère, à tout détenteur de renseignements de fournir ceux-ci :
« Här President, dëse Gesetzesprojet gesäit eigentlech vereinfacht vir, dass op Ufro vun enger auslännescher Steierverwaltung de Lëtzebuerger Steierdirekter eng Bank, een Affekot, een Notaire, eng Fiduciaire kann opfuerderen, Dokumenter iwwer e Client erauszeréckelen, ouni dass géint dës Décisioun iergendwelche Recours zu Lëtzebuerg méiglech ass. Am Contraire! D’Gesetz verbitt souguer ausdrécklech de Recours, an d’Bank däerf, wann dat vun der aus lännescher Autoritéit verlaangt gëtt, de Client net emol iwwert d’Opfuerderung, fir d’Dokumenter erauszeréckelen, informéieren.
A fir eis, Här President, steet dat am Widdersproch zu allen elementare grondrechtleche Prinzipie vun engem Rechtsstat. Eng Lëtzebuerger Verwaltungsautoritéit hëlt eng Décisioun, géint déi keen Asproch bei engem Geriicht méiglech ass. Null Kontroll. Keng Méiglechkeet, fir sech ze wieren. »
La majorité gouvernementale avait décidé (i) de passer outre les arguments développés dans le cadre de l’instruction parlementaire notamment par l’Ordre des Avocats de Luxembourg, la Chambre de Commerce, et même un avis précédent contraire de la Cour administrative au sujet d’une loi du 31 mars 2010 et (ii) de supprimer toute voie de recours en la matière.
Saisie d’une décision préjudicielle dans une affaire lui soumise par la Cour administrative, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) vient de décider dans l’arrêt sous rubrique « qu’un administré peut se prévaloir de l’article 47 de la Charte (droit à un recours juridictionnel effectif) lorsqu’il estime que la sanction administrative pécuniaire qui lui est infligée se fonde sur une demande d’informations dont il met en doute la validité dès lors que cette demande est effectuée dans le cadre d’une procédure qui est la mise en œuvre du droit de l’Union. Autrement dit, la Cour considère que le juge doit pouvoir examiner la légalité d’une décision d’injonction du directeur des contributions directes.
La Cour poursuit en rappelant qu’une telle décision d’injonction ne peut être légale que si les informations demandées sont « vraisemblablement pertinentes » pour les besoins de l’enquête fiscale dans l’Etat membre qui les sollicite. Sont en premier lieu visées les autorités fiscales luxembourgeoises qui ne doivent pas se limiter à une vérification sommaire et formelle de la régularité de la demande d’informations, mais doivent également s’assurer que les informations demandées ne sont pas dépourvues de toute pertinence vraisemblable pour les besoins de l’enquête fiscale compte tenu de l’identité du contribuable visé par l’enquête et de la finalité de celle-ci. Il appartient par la suite au juge luxembourgeois, saisi d’un recours de procéder aux vérifications qui s’imposent, i.e. que la décision d’injonction se fonde sur une demande d’informations suffisamment motivée portant sur des informations qui n’apparaissent pas, de manière manifeste, dépourvues de toute pertinence vraisemblable avec l’enquête fiscale concernée.
Au vu de ce qui précède, nous aimerions poser la question suivante à Monsieur le Ministre :
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Monsieur le Ministre entend-il enfin faire marche arrière et ré-instituer un droit de recours contre la décision d’injonction du directeur des contributions directes ?
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Monsieur le Ministre entend-il dès à présent rappeler à l’administration fiscale qu’il lui appartient de vérifier la pertinence vraisemblable des renseignements demandés ?
Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de notre très haute considération.
Député |
Gilles Roth Député |